Au Puy Dufau les magiciens Osent : Agile Vendée 2016
À l’orée de cette belle aventure on trouve un échange laconique avec Grégoire Robin, que j’avais rencontré à Nailloux lors d’Agile Games France, ou plutôt un défi formulé de la sorte : « Et si tu osais… Agile Vendée ? » La brigue est imparable ; « Allez quoi, viens donc causer théâtre en Vendée si tu es un preux ! » Ars longa, vita brevis. Je ne peux décemment pas me soustraire à la tentation de relever le gant, ce que je fais d’emblée.
Adoncques je me trouve par ce second jeudi de juin foulant le tarmac de Lyon Saint-Exupéry pour prendre place dans une capsule volante en partance pour Nantes, l’Atlantique, le Grand Ouest, au-delà du mur et de toute espérance. Tandis que le personnel de bord mime les consignes de sûreté sur une bande enregistrée je me plonge avidement dans HHhH de Laurent Binet. Une centaine de pages plus loin l’air s’est beaucoup rafraîchi et que je prends possession du véhicule automobile qui me propulsera jusqu’à mon hostellerie de la Roche-sur-Yon.
Quelques lieues après la sortie de l’aéroport, les panneaux indiquent Montaigu ; je suis incontestablement sur la bonne route (Maman, promets-moi que jamais tu ne liras ce blog). Il est tard. La nuit tombe mollement sur le Bas-Poitou. La radio diffuse un vieux titre de A-Ha qui extirpe une cohorte de souvenirs tourbeux hors du marécage de ma mémoire, lesquels m’escorteront jusqu’au gué des songes :
Vendredi, ivre vent, huit heures de trente passées. Une centaine de couragilistes ont bravé le déluge – quelques hallebardes ne sont pas de nature à faire regimber de fiers descendants des Chouans – pour se masser dans le centre de conférence où nous sommes rassérénés sitôt franchi la poterne par un café et des viennoiseries (l’instinct de conservation me dissuade d’en prononcer le nom, car je ne sais pas où s’arrête de territoire hérétique de la chocolatine). L’équipe organisatrice des festivités est à pied d’œuvre dans une ambiance conviviale à l’image du large sourire qui illumine le visage de Dorothée Le Seac’h. Dégourdi par l’agape, j’ai hâte d’en découdre avec le sujet.
C’est mon ami Frédéric Dufau-Joël qui ouvre le bal avec une présentation sur le thème de l’envie – donner envie de donner envie – ce qui prend tout son sens lorsqu’on sait que le verbe « oser » vient du latin « audere » qui signifie désirer. Après nous avoir invités à partager en binômes nos derniers « kiffs », Fred nous offre ses clefs pour un épanouissement collectif. Il est question entre autre de systémique, de bonheur au travail, de bienveillance, mais surtout de mindfulness, à l’instar de ces fraises mafflues achetées le matin même au marché local qu’il nous invite à déguster en pleine conscience. Juteux et admirable.
Pitch fire ! Surprise de la maison : chaque intervenant de la kermesse doit vanter, à la criée, les mérites de son atelier. Je suis un peu pris au dépourvu par cet exercice de voltige auquel je me plie néanmoins avec audace. Je choisis pour me ressourcer d’écouter quelques retours d’expérience. Tout d’abord Frédéric Bonnin du GroupeFBO qui propose une autre lecture du recrutement dans le contexte de l’entreprise agile, en replaçant l’équipe au cœur du processus. Voilà qui n’est pas sans faire écho à la vidéo que nous avons réalisée avec les équipes de Persistent Systems France :
Je savoure ensuite le récit du charismatique Steeve Evers qui relate, avec humour et modestie, la transformation qu’il a opérée chez Servier. Une discussion s’amorce avec différents participants qui se poursuit bien après la pause prandiale. Pris dans la description de notre jeu Zugor, ou comment stimuler la gentillesse au travail, j’en oublie de surveiller le sablier et je coupe précipitamment l’échange pour rejoindre l’espace où je dois officier.
Hélas une nouvelle surprise m’attend. Je suis pris d’un moment d’angoisse au moment de démarrer ma session « Osez… le Théâtre Agile ! » en découvrant qu’il n’y a pas de projecteur dans la salle. Heureusement mon salut survient en la personne de l’immense, du gigantesque, que dis-je du pharaonique Vincent Rostaing qui dégaine de sa besace un appareil de secours. C’est fou ! Qui aujourd’hui se promène avec un projecteur dans son sac ? Exactement, vous avez raison, Vincent. Ceux qui le connaissent ne me contrediront pas lorsque je dis que c’est un garçon prodigieux, un Personnage avec une majuscule, exceptionnel, drôle et incroyablement gentil. Je regrette d’avoir raté le quizz loufoque qu’il a animé avec le jovial Cédric Bodin qui constitue, aux dires de beaucoup, l’un des temps forts sinon l’apothéose de cette journée.
Mû par une curiosité prémonitoire, je franchis alors le seuil de l’atelier intitulé « le jeu en créativité », proposé par Christine Leroux. Pour être honnête mon premier sentiment ressemble à de la perplexité. Mais très vite la personnalité iconoclaste de l’animatrice ébranle mes préjugés. C’est au moment précis où je réalise que nous nous dandinons autour de la table sur une chanson du crooner italien Zucchero, tout en construisant une balançoire en pâte à modeler pour la placer sur la maquette d’une salle dont l’architecture représente la matrice maternelle (Maman, vraiment, je suis infiniment désolé de tout ceci.) que mon « whouaaaaaa » intérieur se relâche, signe que pour rien au monde je ne voudrais être ailleurs.
La journée se termine alors par une conférence Joanna Quélen, qui se définit elle-même comme une opératrice de turbines à bonheur, nous invitant à répandre ce dernier au travail comme dans la vie. Il est toujours salutaire de revenir à cette vérité universelle et hautement alchimique : le meilleur moyen d’être heureux, c’est encore de rendre heureux les gens autour de soi. Selon l’expression consacrée, je touche mon salaire.
Alors comment résumer un tel concentré d’ondes positives ? Enfin, je veux dire autrement que par un morceau de bravoure digne d’une chanson de Didier Barbelivien. Je suis tenté d’établir une liste de louanges de façon béate mais le côté bande générique de l’exercice en viderait toute la substance. Je préfère donc m’en remettre au talent graphique de Pierrick Thibault qui a su capturer l’essentiel de cette journée parfaite en jouant du crayon comme d’une baguette magique : au Puy Dufau les magiciens Osent.